L'art de (se) diriger ( le blog de Laurent Pellegrin)

Maya Beauvallet vient de publier au Seuil, "Les stratégies absurdes", avec un sous-titre éloquent : "Comment faire pire en croyant faire mieux", en fustigeant la mode des indicateurs de performance et ce qu'elle appelle "l'ordre managérial".

Car cet ouvrage en 12 chapitres propose un bêtisier insolite mais aussi et surtout de sérieuses analyses sur les effets pervers d'une utilisation caricaturale des indicateurs de performance, des dispositifs d'incitation et de sanction.
Par exemple, les actions de type altruiste ne peuvent être encouragées par des incitations monétaires. Si vous payez les dons du sang, les donneurs deviennent moins nombreux. Vous imposez une amende aux parents retardataires à la sortie des écoles, les retards augmentent car les conséquences ne sont pas si graves que cela. Vous pénalisez un footballeur qui rend trop souvent la balle à l'équipe adverse, le joueur donne moins la balle à ses adversaires mais aussi à ses coéquipiers.
Un indicateur objectif comme les quotas peut favoriser le travail de "dernière minute" pour des raisons d'escompte du temps et limiter les performances.
Les indicateurs collectifs peuvent favoriser la coopération mais aussi les comportements "passager clandestin" (ne rien faire et profiter de l'effort d'autrui) ou homogénéiser les efforts (les meilleurs deviennent moins performants).
Les indicateurs relatifs améliorent la compétitivité mais l'entraide diminue...

"L'utilité véritable des indicateurs doit être de dépister des problèmes et non de mesurer des performances en évitant de réfléchir aux problèmes de gestion". Car à l'image de la crise des subprimes puis de la crise économique mondiale, les mésusages des indicateurs et ds mécanismes de performance font aussi partie des difficultés à résoudre.

Source : Futuribles n°356 - octobre 2009, Pauline Grégoire-Marchand